mercredi 21 mai 2014

Les entretiens semi-directifs : guide méthodologique


Les différentes formes d’interviews
A la différence des enquêtes par questionnaire l’entretien doit permettre au répondant de s’exprimer librement. Il faut accepter qu’il dise comment, lui, voit les choses, quitte à ce que ce qui vous préoccupe ne soit abordé que dans un deuxième temps. Pour cela il convient d’éviter les questions trop précises, dialoguer sur le mode de la conversation et relancer sans orienter. Une bonne méthode est de reformuler ou résumer ce qui a déjà été dit pour demander des précisions ou des compléments.
Dans les entretiens collectifs (focus groups), la dynamique de groupe et le dialogue direct entre participants facilite et stimule la libre expression. C’est une des raisons du succès de cette méthode.
Les entretiens par mail sont une pratique beaucoup plus récente. Les personnes sollicitées peuvent répondre à leur convenance sans subir la pression de leur interlocuteur. On perd peut être en quantité, mais on est assuré que ceux qui répondent ont quelque chose à dire. D’autre part en échappant à la vivacité du ‘face à face’, les relances peuvent être mieux réfléchies. Enfin les réponses sont immédiatement disponibles au format numérique.
La préparation de l‘interview
Pour réussir une interview il faut la préparer en s’informant sur son interlocuteur, son métier, sa situation. Vous serez pris au sérieux si vous montrez votre connaissance du sujet. Si vous êtes considéré comme un interlocuteur éclairé, on vous fera des réponses moins convenues et plus profondes, la qualité globale de votre étude s’en trouvera améliorée. Renseignez vous donc avant de prendre rendez vous et de mener l’entretien. Utilisez le web et faites parler ceux qui connaissent votre contact.
Pour les entretiens de groupe, rencontrez ceux que vos envisagez de recruter afin de vérifier qu’ils ne sont ni trop bavards, ni trop discrets. Veillez à recruter des personnalités variées en constituant un groupe où chacun se sente à l’aise. Ce n’est pas facile mais le succès de votre entretien en dépend.
La conduite de l’interview
Il faut mieux mener l’interview, seul. Même si le fait d’être à deux facilite la prise de note ou l’écoute active, le climat de confiance est plus difficile à établir dans de telles conditions.
L’idéal est d’enregistrer l’entretien. Demandez l’autorisation de le faire, vous constaterez que le micro est très vite oublié. Vous pourrez alors vous concentrer sur l’entretien et son déroulement.
Evitez d’indiquer trop précisément l’objectif de votre étude, et gérez la progression de votre entretien en commençant par poser des questions très générales:
Par exemple dans une étude sur la communication interne l’entretien avec des dirigeants de PME est mené de la manière suivante. L’entretien est lancé ainsi : «Je mène une recherche sur la gestion des PME.  Votre entreprise est… montrez là que vous connaissez l’entreprise et le secteur…..Pouvez vous me dire comment vous, personnellement, concevez votre métier. 

C’est quoi pour vous diriger une entreprise ? »
Pendant les 20 premières minutes, on relance sans jamais évoquer la communication interne en reformulant et en précisant ainsi.
« ….. mais de quoi êtes vous particulièrement satisfait ? »
« ….. pouvez-vous me parler de ce que vous parvenez pas à faire comme vous le voudriez »
Cela permet de savoir si le sujet de l’étude est spontanément évoqué et comment. Ensuite l’entretien est orienté par des questions plus précises sur les différents aspects de la communication interne. On peut alors isoler les réponses convenues de ceux qui n’ont jamais évoqué le thème dans la première partie de l’entretien.
Faut-il ou non prendre des notes ? Cela peut vous aider à trouver une posture et donner à votre interlocuteur le sentiment que ce qu’il dit est important pour vous. Mais votre écoute sera moins attentive et surtout moins réactive. Si vous prenez des notes n’essayez surtout pas de capter l’intégralité de l’entretien (à moins que vous ne maîtrisiez parfaitement la sténographie) mais concentrez vous sur la retranscription des ’phrases témoins’ qui vous semblent les plus significatives.
Après l’entretien, prenez le temps de noter de manière synthétique ce que vous avez appris de nouveau, l’impression que vous a laissé votre interlocuteur relativement à sa connaissance du sujet, son implication, sa motivation et l’authenticité de ses réponses.
Qui interroger et combien d’interviews réaliser ?
 A la différence des enquêtes par questionnaires, les interviews sont utilisées dans un but exploratoire. Les données ainsi recueillies permettent d’établir que tel comportement ou telle opinion sont envisageables et de comprendre comment ils s’articulent et font sens pour le répondant.
Bref, ce qu’on cherche avec les interviews c’est la variété des situations, plus que leur représentativité. Même si par la suite on peut utiliser la statistique pour mieux décrire l’ensemble des informations recueillies, on ne le fait pas pour établir une connaissance générale à la manière de l’estimation statistique.
Dans la pratique, le nombre d’interviews à réaliser est déterminé par la variété des situations qui conditionnent le sujet abordé. Plus il y a de cas plus il faudra interroger de personnes (au moins une pour chaque cas). On utilise le critère de « saturation » comme critère d’arrêt. Il conduit à arrêter dès que l’on constate que le dernier interview réalisé n’apporte plus d’information.
Par exemple pour une étude sur le sponsoring sportif, la revue de la littérature conduit à considérer que la pratique du sport sponsorisé et la connaissance de la marque sponsor, sont déterminants ainsi que le genre. Ceci conduit à identifier 6 cas différents. Dans la phase exploratoire, on mènera au moins 12 interviews non directives, peut être plus si on pense ne pas avoir épuisé les possibilités de réponses pour certaines catégories.
La retranscription des entretiens
Selon l’usage qu’on pense en faire, on peut saisir le texte des entretiens d’une manière exhaustive ou non avec ou sans annotations. Un usage courant est la saisie exhaustive de l’interview. C’est une manière d’en garder la trace comme référence ou en vue d’une exploitation ultérieure. C’est de loin la conduite la plus sûre mais pas la moins coûteuse!
On peut également à l’occasion de la saisie exhaustive porter dans le texte des annotations correspondants aux idées, ou thèmes présents. Cette saisie exhaustive avec annotations revient à mener simultanément une analyse de contenu thématique. En portant des annotations codées distinguées par un caractère spécial, on facilitera ensuite l’analyse de la fréquence des thèmes présents dans le texte. On peut utiliser pour cela la fonction statistique d’un traitement de texte comme Word ou des fonctions plus spécialisées de logiciels comme Sphinx
Voici à titre d’exemple un extrait des d’annotations utilisées pour analyser les interviews sur la communication interne évoquées plus haut :
Annotation        Signification
§AscPos          évocation positive de la communication ascendante
§AscNeu          évocation positive de la communication ascendante
§AscNeg          évocation négative de la communication ascendante
§DescPos         évocation positive de la communication descendante
…..
§ExtPos           évocation positive de la communication externe
……
On peut aussi se limiter aux seuls passages des interviews qui ont vraiment trait au sujet. On parlera alors de saisie par phrases témoins ou limitée au verbatim significatif. La retranscription se fait alors par fragments avec la possibilité d’y ajouter des annotations, comme indiqué plus haut.

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