Depuis 2010, l’Américain Gregory Kloehn
confectionne de petites maisons pour les sans-abris à l’aide d’objets
recyclés. Une initiative bienvenue quand on apprend qu’en 2013, il y avait plus de 600 000 SDF aux Etats-Unis. L’artiste a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
K | Comment vous est venue cette idée ? En voyant le nombre de personnes qui vivent dans la rue sans-abri ?
Gregory Kloehn : J’aimerais bien dire que mon idée
de départ était de loger les sans-abris, mais ma motivation n’était pas
si ambitieuse. A ce moment-là, je bossais sur un livre qui mêlait
architecture et vie dans la rue et j’ai commencé à m’intéresser aux
différentes structures qui sont créées par et pour les SDF. J’ai été
très impressionné par leur débrouillardise, le fait de récupérer des
objets et créer de petites cabanes comme moyen de subsistance.
Je m’en suis inspiré et j’ai commencé à récupérer des choses dans la
rue et à les assembler. Après une semaine à collecter des objets de
toutes sortes, j’avais la première maison, construite à l’aide de
cagettes de fruits délaissées dans la jungle urbaine. Et puis, une nuit
pluvieuse, Charlene, une femme sans-abri que je connais depuis une
dizaine d’années, m’a demandé si j’avais une bâche pour elle. Je lui ai
répondu que je n’en avais pas mais que j’avais une maison pour elle ! Je
me suis senti tellement bien, que le jour-même j’ai décidé d’en faire
une nouvelle. Et puis, en plus de combiner mon goût pour l’architecture
et de me sentir utile, j’avais l’impression de retomber en enfance quand
je construisais des cabanes. Voilà comment ça a commencé !
Vous utilisez des matériaux que vous trouvez dans la rue,
mais quoi précisément ? J’imagine que vous devez aussi acheter quelques
matériaux en plus ?
Vraiment tout ce que je trouve, c’est souvent des déchets
industriels. La plupart du temps, je pars en voiture en direction des
décharges publiques d’Oakland pour voir ce que je peux y trouver. Je
cherche des palettes, des lattes de lit, des morceaux de bâche, des
portes, de la peinture, des portes de réfrigérateurs, des cageots, du
contre-plaqué. Les seuls trucs que je dois acheter se sont des clous, de
la colle, des pinceaux et une scie. Il me faut environ une semaine pour
en construire une.
Ensuite, vous les donnez à des personnes en particulier ?
Quand les maisons sont terminées, je les mets dans la rue, je prends
quelques photos et j’en fais don à qui le souhaite. A partir de ce
moment-là, je n’ai plus grand chose à dire, les maisons mènent leur
propre vie. Une a été volée, une a été vendue, une autre brûlée, des
voisins en ont récupéré une aussi et leur chien vie dedans. Pour le
reste, elles sont normalement encore dans la rue et des gens vivent
dedans !
Vos maisons sont très colorées, y a-t-il un message derrière ?
C’est vrai que j’adore les couleurs vives, mais c’est surtout de la
peinture que je trouve dans la rue. Je donne aussi des noms à mes
maisons quand je suis en train de les réaliser, il y a eu par exemple
R2D2, Le Tank, le Chuck Wagon, …
C’était important pour vous qu’elles soient mobiles ?
Oui vraiment ! Les sans-abri se déplacent souvent d’une ville à
l’autre et ils ont souvent besoin de changer d’endroit régulièrement.
La première fois que des personnes ont vu vos maisons, quelles ont été leurs réactions ?
Les gens les ont vraiment aimé !
Et la réaction des sans-abri ?
Ils sont à chaque fois super contents. Certains se sont mêmes
agenouillés pour me remercier. Ils pensent que je pourrais les faire
plus grandes et me suggèrent même quelques améliorations. Ils aiment
bien les décorer eux-mêmes.
Aujourd’hui, combien de SDF utilisent vos maisons ?
A peu près une dizaine.
Vous mentionnez sur votre site Internet que si les gens veulent vous aider, ils sont les bienvenus. Des personnes vous ont déjà aidé ?
Après un article dans la presse locale, j’ai été inondé d’ emails de
personnes qui voulaient m’aider. Pour l’instant, des gens viennent à mon
atelier et m’aident à construire les maisons qui sont déjà commencées.
On devrait d’ailleurs bientôt bouger vers un espace plus grand où on
sera plus confortablement installés.
Est-ce que vous avez prévu d’exporter votre concept ?
Avec la réserve sans fin de déchets et le nombre important de
sans-abri, je pense déjà que je vais encore être occupé pour un petit
moment. J’ai en tête plusieurs nouveaux designs et j’adorerais fabriquer
une ville fonctionnelle à partir de déchets, ou au moins quelques
commerces.
J’espère aussi que les gens partout dans le monde vont commencer à
construire des maisons pour les sans-abri. Je serai même très content
d’aller n’importe où pour montrer aux gens comment faire et les
encourager à faire de même.
Vous faites partie d’un plus large courant qui s’appelle “Le mouvement des petites maisons”, est-ce que vous pouvez nos expliquer en quoi cela consiste exactement ?
Les petites maisons touchent une corde sensible de notre société.
Elles sont devenues rapidement un style de vie à part entière car elles
sont moins chères que des maisons normales, ce qui permet de donner
l’opportunité à des gens qui n’auraient pas les moyens de devenir
proriétaires.
Ce mouvement mixe toutes les formes de technologies en créant des
foyers ingénieux, créatifs et en accord avec l’environnement. En
effet, il est plus facile de faire fonctionner entièrement une petite
maison avec le soleil et le vent, l’eau peut être récoltée et réutilisée
grâce à un système simple de filtration. Même les déchets peuvent être
métamorphosés en compost pour produire de la nourriture. Elles sont
souvent sur roues et pour moi, la mobilité est un des aspects les plus
révolutionnaires du mouvement des petites maisons. Votre maison
customisée pourra vous suivre où vous voulez .
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