Méthode DKCP : casser les schémas mentaux pour innover
Formalisée et maturée scientifiquement durant les années
2000, la théorie C-K (Concept-Knowledge) s’est traduite par une méthode
(DKCP) utilisée par de grandes entreprises telle que Thalès, Turbemoca,
SNCF… Son principe ? Entraîner la réflexion collective en R&D ou
design vers des champs inconnus pour générer une innovation de rupture.
« Aujourd’hui, dans un contexte extrêmement concurrentiel, de
simples évolutions techniques et technologiques dans les produits
industriels ne suffissent plus.
Pour survivre, les entreprises doivent
aller vers des innovations radicales, dites de rupture », pose Armand Hatchuel, professeur à Mines Paris Tech, au sein du Centre de Gestion Scientifique de l’Ecole des Mines
où il co-dirige la chaire de théorie et méthodes de la conception
innovante.
C’est au sein de ce laboratoire pionnier dans le domaine des
sciences de gestion, qu’il a conçu et élaboré avec Benoit Weil et leurs
collègues, à partir de 1996, la théorie C-K qui permet de caractériser
les différents mécanismes créatifs. «Cette théorie formalise un
raisonnement de conception qui intègre et favorise la créativité.
Elle
est basée sur le principe d’un va-et-vient constant entre C, l’espace
des Concepts où se forment les nouveaux objets, et K, Knowledge,
l’espace des connaissances qui sont mobilisées pour cette conception,
l’un alimentant l’autre dans un processus de réflexion en constante
construction pour aboutir au final, d’une part à une ou plusieurs
innovations originales, mais aussi à un espace de connaissances
renouvelées ».
Au-delà d’une simple transversalité
Reconnue scientifiquement et historiquement, appliquée par les
grandes entreprises, enseignée désormais dans les écoles d’ingénieurs,
de management, de marketing ou de design, cette théorie a remis en cause
les habituelles méthodes de « brainstorming ». Classiquement (ce
mouvement ayant été lancé aux Etats-Unis depuis les années 50) pour
innover dans un nouvel objet, un nouveau service ou une nouvelle
stratégie, les entreprises rassemblent des experts de diverses
compétences, en partant généralement d’un cahier des charges ou d’un
concept pré-établi; ou à l’inverse réunissent ces compétences en
attendant que l’expression spontanée des idées conduise à un concept
nouveau .
« Ni l’une ni l’autre de ces méthodes ne sont vraiment efficaces ou se révèlent insuffisantes » analyse Armand Hatchuel. « Elles
se basent soit sur la recherche du concept, soit sur la recherche des
connaissances, sans mêler les deux, et sans gérer leur interaction ».
Une réflexion collective alimentée par la recherche
L’application de la théorie C-K, déclinée à travers la méthode DKCP
(1) utilisée au sein d’ateliers collectifs de réflexion, elle, tente
d’aller à l’encontre du sens commun. Elle vise d’abord à casser les
schémas mentaux, à « dépayser » ces experts, à les sortir par exemple de
l’identité habituelle d’un objet et à les préparer pour ensuite se
risquer dans l’inconnu. « Pour arriver à ces objectifs, l’idée est
de défixer les gens des connaissances qu’ils ont, sinon ils ne font que
se répéter : ils ont le sentiment d’être créatifs sans se rendre compte
qu’ils restent dans la même « zone d’originalité ».
La philosophie de la
méthode DKCP est alors de les doter de connaissances qu’ils n’ont pas,
d’alimenter leurs réflexions au fur et à mesure par ces nouvelles
connaissances et d’inciter ainsi le groupe à découvrir un champ ou un
espace conceptuel qu’il n’aurait pas explorés spontanément ».
Un exercice subtil, tout en finesse basé sur un raisonnement dans
l’inconnu et s’appuyant sur l’observation et la découverte, qui précise
Armand Hatchuel, « ne s’improvise pas ».
Ces groupes sont menés
par des consultants formés à cette méthode, qui si elle est pratiquée
sans filet, peut s’avérer contreproductive. « C’est un outil de
raisonnement qui doit être compris et appris. Quand les gens sont
formés à la théorie, des expériences ont montré qu’ils pouvaient
acquérir une capacité de créativité supérieure ».
La théorie C-K reste d’ailleurs un champ de recherche très vivant,
évolue et se traduit désormais, outre la méthode DKCP, par d’autres
outils pour déposer des brevets, améliorer des processus d’exploitation
de données et dans la méthodologie du design.
(1) D pour définition et cadrage du projet, K pour mobilisation des
connaissances, C pour conceptualisation et exploration, P pour
proposition.
Pour en savoir plus :
A lire :
« Introduction à la conception innovante : Eléments théoriques et pratiques de la théorie C-K (Ed. Presse de l’Ecole des Mines-2013). Cet ouvrage a été dirigé par les doctorants de la Chaire Théorie et Méthodes de la conception innovante.
« Introduction à la conception innovante : Eléments théoriques et pratiques de la théorie C-K (Ed. Presse de l’Ecole des Mines-2013). Cet ouvrage a été dirigé par les doctorants de la Chaire Théorie et Méthodes de la conception innovante.
« Quelle analytique de la conception ? Parure et pointe en design » d’Armand Hatchuel pour mieux comprendre le processus créatif dans le Design (dans l’ouvrage Le design : essais sur des théories et des pratiques, Brigitte Flamand, Institut de la mode 2006). .
A voir : Vidéo Intrapra « C-K c’est quoi » avec Flore Guntzer.
Conception de la méthode C-K
A voir : Vidéo Intrapra « C-K c’est quoi » avec Flore Guntzer.
Conception de la méthode C-K
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